C’est en regardant le film Kika que l’idée de cet article m’est venue. J’ai voulu référencer un bon nombre de films, séries et clips qui abordent la domination et le BDSM, que ce soit de manière directe ou subtile. Même si ces représentations restent rares, elles permettent de voir comment la culture populaire et le cinéma — y compris le cinéma indépendant — imaginent et stylisent le BDSM, ses codes et ses dynamiques de pouvoir.
Certaines œuvres vont plus loin en montrant les coulisses de l’activité de Dominatrice ou de Dominant, ce qu’il y a derrière la posture, l’autorité et le pouvoir affiché : la discipline, la préparation, la psychologie et la maîtrise nécessaires.
Ces films, séries et clips sont aussi importants dans l’histoire du BDSM, car ils ont influencé l’esthétique, l’imaginaire et même l’image que le grand public se fait de cet univers. Qu’ils soient poétiques, puissants ou provocants, ils participent à façonner une vision collective du désir, du contrôle et de la transgression.
Pour les soumis expérimentés comme pour ceux qui commencent à explorer leur place, ces œuvres offrent une manière de découvrir le BDSM autrement que dans les films pornographiques, en montrant la complexité des dynamiques de pouvoir, l’élégance des échanges, la tension des corps et les secrets qui se cachent derrière les figures d’autorité.
Cet article vous invite donc à explorer ces références, à laisser votre curiosité vous guider et à comprendre comment le BDSM continue de s’inscrire, subtilement mais profondément, dans la culture et l’imaginaire collectif.
- Éros Thérapie (Danièle Dubroux, 2004)
- La Vénus à la Fourrure (Roman Polanski, 2013)
Le film se déroule presque entièrement dans un théâtre vide. Thomas, qui auditionne des actrices pour sa pièce adaptée du roman La Vénus à la fourrure de Leopold von Sacher-Masoch (1870). Vanda, une femme déterminée et pleine d’assurance, arrive tardivement et, grâce à son audace et sa maîtrise du texte, prend rapidement le dessus sur Thomas. Le huis clos se transforme en duel de pouvoir où domination et soumission se jouent autant psychologiquement que verbalement.Le film illustre le BDSM comme un jeu intellectuel et émotionnel : le contrôle ne repose pas sur la force physique mais sur la manipulation, la séduction et la subtilité. La dynamique entre les personnages est fluide et ambiguë, montrant que la domination peut se construire dans l’esprit, les mots et les gestes.Le terme “sadomasochisme” combine les noms du Marquis de Sade et de Leopold von Sacher-Masoch : Sade représente le plaisir dans l’infliction de douleur ou d’humiliation, tandis que Sacher-Masoch explore le plaisir dans la soumission et la perte de contrôle. La Vénus à la Fourrure s’inscrit dans cette tradition, en montrant le pouvoir et le désir comme des expériences psychologiques et sensuelles.
Je n’ai pas pu apprécier le film de manière totalement objective, les polémiques autour de Polanski influençant forcément la perception de l’œuvre et de la dynamique de pouvoir qu’elle met en scène.
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Kika (Alexe Poukine, 2025)Le film raconte l’histoire de Kika, une femme confrontée à la perte de son compagnon et à la précarité, qui s’engage dans le travail du sexe et découvre l’univers du BDSM. Ce qui m’a particulièrement touchée, c’est la sincérité et le réalisme avec lesquels le film représente la pratique du BDSM, que ce soit du côté de la dominatrice ou des Soumis. Les échanges entre travailleuses du sexe sont crédibles et empreints de bienveillance, et l’univers n’est pas romancé. L’histoire se déroulant à Bruxelles, un lieu où je pratique régulièrement des séances, renforce encore ce sentiment d’authenticité. Le film montre Kika qui cherche à apprendre, et les Soumis qui se livrent avec confiance et sensibilité, faisant du BDSM un espace de pouvoir, de choix, de respect et d’intensité humaine.
- Salò, ou les 120 jours de Sodome (Pier Paolo Pasolini, 1975)
Le film raconte l’histoire de quatre notables fascistes qui kidnappent des jeunes et les soumettent à des humiliations, tortures et jeux de pouvoir extrêmes dans une villa isolée. La violence est constante et choquante, et la domination ici n’a rien de consensuel : il n’y a ni complicité ni négociation, seulement un contrôle total et déshumanisant.Salò s’inspire directement du roman du Marquis de Sade, Les 120 Journées de Sodome, transposé dans l’Italie fasciste de Mussolini. Là où Sade explorait la perversion et les dynamiques de pouvoir de manière théorique et extrême, Pasolini utilise cette violence pour faire une critique sociale et politique : le film illustre le fascisme, la corruption morale et l’oppression exercée par ceux au pouvoir.Dans l’univers BDSM, Salò est notable non pas comme modèle de pratique, mais comme contre-exemple : il montre ce que la domination devient quand le consentement, la négociation et le respect de l’autre sont absents. Le film permet de réfléchir à la différence entre domination éthique et abus, et rappelle combien la confiance, la bienveillance et les limites sont essentiels dans toute vraie pratique BDSM.
- Bonding (Rightor Doyle,2019)
La série suit Tiff, étudiante le jour et dominatrice la nuit à New York, ainsi que Peter, son ami et assistant, qui découvre peu à peu l’univers du BDSM. À travers différentes séances, la série montre les codes, les rituels et la dynamique de pouvoir entre dominants et soumis, avec humour et situations parfois absurdes.Bonding est intéressant car il introduit le BDSM comme une pratique codifiée, basée sur le consentement, la confiance et la communication. Cependant, la série tend à romancer et à simplifier la domination, donnant l’impression que tout est léger, amusant et presque glamour. En tant que dominatrice, ce qui m’interpelle, c’est que la série montre seulement la surface : dans la réalité, chaque séance demande rigueur, préparation et responsabilité.Malgré cette approche adoucie, Bonding reste notable dans l’univers BDSM pour sa capacité à sensibiliser un public novice aux notions de consentement et de dynamique de pouvoir, tout en illustrant avec légèreté les relations humaines qui peuvent exister derrière les rituels de domination.
- La Secrétaire (Steven Shainberg, 2002)
Le film raconte l’histoire de Lee Holloway, une jeune femme qui commence à travailler comme secrétaire dans un cabinet d’avocats et découvre progressivement son intérêt pour la soumission et le BDSM à travers sa relation avec son patron, M. Grey. Le film explore les jeux de pouvoir, la domination et la soumission, mais aussi la manière dont ces pratiques peuvent aider à mieux comprendre ses propres désirs, limites et émotions.Ce qui rend La Secrétaire notable dans l’univers BDSM, c’est qu’elle montre la domination et la soumission comme des expériences conscientes et négociées. Les scènes ne sont pas là pour provoquer ou pour faire du spectacle : elles insistent sur le consentement, la complicité et la construction d’une relation émotionnelle. En tant que dominatrice, j’apprécie particulièrement la façon dont le film illustre que la domination n’est pas seulement physique ou coercitive : elle implique écoute, rigueur, responsabilité et compréhension des besoins de l’autre.Le film met aussi en lumière la dimension psychologique du BDSM : la soumission n’est pas dégradante par essence, et la domination ne se réduit pas à imposer des règles. Ici, elle devient un moyen d’épanouissement, de confiance et d’intimité, tout en restant exigeante et structurée.
- Domination (Erik Lamens, 2009)
Le film raconte l’histoire d’un juge belge, Koen, dont le couple est au bord de l’effondrement. Sa femme, Magda, lui révèle qu’elle a des fantasmes SM très ancrés. Pour la soutenir, il commence à explorer ces désirs dans des clubs privés et des séances de domination, ce qui le place rapidement dans une zone grise légalement et socialement.Le film est inspiré d’un fait réel : un juge belge a été impliqué dans une affaire SM à la fin des années 90, ce qui soulève des questions sur la légalité, le secret professionnel et la responsabilité des participants dans des pratiques sexuelles non conventionnelles. Domination montre comment des activités BDSM, même consenties, peuvent entrer en conflit avec le cadre juridique, et comment la société réagit face à ces pratiques.En tant que dominatrice, j’ai été touchée par la sincérité et le réalisme de la représentation : la femme exprime ouvertement ses besoins et le partenaire choisit de l’accompagner avec respect et écoute. Le film met en lumière que la domination éthique repose sur le consentement, la confiance et la responsabilité, et qu’il existe des enjeux légaux et sociaux qui ne peuvent pas être ignorés, même dans un contexte intime et consensuel.
- Dying for Sex (Shannon Murphy 2019)
La série suit Molly, une femme confrontée à un cancer avancé, qui décide de vivre pleinement ses désirs et ses fantasmes avant la fin. Elle explore différentes expériences sexuelles, dont le BDSM, et se confronte à ses limites ainsi qu’à celles de ses partenaires, tout en cherchant à retrouver un sentiment de contrôle et de plaisir dans sa vie.La série montre le BDSM comme un espace d’exploration personnelle et de réappropriation de soi, où l’écoute, le respect des limites et la communication sont essentiels. Les scènes de domination et de soumission combinent intensité physique et émotionnelle, révélant la complexité des relations de pouvoir et la profondeur de la complicité entre les partenaires.En tant que dominatrice, j’ai été touchée par la sincérité et le réalisme de la série : Molly découvre la soumission et le plaisir dans un cadre attentif et sécurisé, où chaque geste a un sens et chaque interaction repose sur la confiance. Dying for Sex illustre que la domination peut être un outil puissant de liberté et d’épanouissement, tout en exigeant rigueur, sensibilité et responsabilité.
- Babygirl (Halina Reijn, 2024)
Le film raconte Romy, une dirigeante puissante, mariée et mère, qui entame une liaison troublante avec Samuel, un stagiaire beaucoup plus jeune. Leur relation explore un jeu de pouvoir intense, où le désir, la vulnérabilité et la transgression se mêlent. Cette relation, à la fois fascinante et risquée, révèle des comportements autodestructeurs qui reflètent la complexité des émotions et du besoin de contrôle.Ce qui rend Babygirl captivant, c’est la manière dont le film montre la dynamique de pouvoir comme une exploration intime de soi. Romy, sous son apparence maîtrisée, cherche à se reconnecter à un désir brut et primal. La tension entre domination et soumission est subtile, fragile et réciproque, rendant chaque interaction à la fois sensuelle et psychologiquement intense.En tant que dominatrice, j’ai été touchée par le réalisme et la profondeur du film : même si ce n’est pas un récit BDSM “classique”, il illustre comment le pouvoir et le désir peuvent être à la fois libérateurs et dangereux. La dimension autodestructrice de leur relation rappelle que la manipulation, le contrôle ou la dépendance émotionnelle peuvent survenir quand le jeu de pouvoir devient trop intense ou déséquilibré, et souligne combien la responsabilité et l’attention aux limites sont essentielles dans toute dynamique de domination.
- Scorpio Rising (Kenneth Anger, 1963)
Scorpio Rising est un véritable hymne au fétichisme : il célèbre le cuir, le jean ,les chaînes, les bottes, le fétichisme de l’uniforme qui sont des codes visuels fort du Bdsm. Il m’est l’accent sur la mechanophilie cette fascination érotique pour des machines. Les motos, les bottes et les blousons se mêlent aux corps, créant une tension sensuelle et palpable, sans qu’un mot ne soit nécessaire.Le film fonctionne davantage comme une expérience visuelle et sonore que comme une histoire au sens classique : montage, musique et lumière imposent un rythme hypnotique où mécanique et corps s’entrelacent dans un même jeu de séduction et de domination.Les symboles religieux (croix, iconographie sacrée) ne choquent pas par provocation : ils représentent puissance et contrôle, renforçant le rituel visuel et la hiérarchie qui traverse le film. Scorpio Rising transforme la culture biker en célébration du fétichisme, du désir et de l’érotisme sauvage.
C’est exactement ce genre de visuel que j’adore : une masculinité exacerbée, virile et sculpturale, mais qui reste irrésistiblement liée à l’univers homosexuel et au fétichisme, à la manière des icônes de Tom of Finland.
- Maîtresse (1975, Barbet Schroeder)Maîtresse plonge dans le quotidien d’Ariane, dominatrice professionnelle à Paris, et d’Olivier, un jeune homme découvrant la soumission. Le film montre avec précision les séances, les rituels et la dynamique de pouvoir entre eux, tout en soulignant la rigueur, l’attention aux détails et la discipline nécessaires pour exercer la domination. Gérard Depardieu incarne Olivier dans sa curiosité et sa vulnérabilité, face à la maîtrise concentrée d’Ariane.
Ce qui rend le film particulièrement intéressant, c’est qu’il montre que le pouvoir ne repose pas sur la volonté de la dominatrice, mais sur le choix du Soumis de se livrer. Chaque geste et chaque décision sont guidés par la confiance et la complicité, donnant à la domination une dimension psychologique, élégante et sensuelle.
Schroeder filme le BDSM avec réalisme et distance : il n’adopte ni voyeurisme, ni jugement moral, ni parodie. Les interactions entre dominatrice et soumis sont montrées telles qu’elles sont, mettant en lumière la complexité, la subtilité et l’éthique des pratiques.
J’aime particulièrement les vieux films qui parlent de BDSM pour ce côté rigide et strict dans la représentation des pratiques. Au vu des accusations qui sont reprochées à Gérard Depardieu, je n’ai pas pu apprécier ce film pleinement. Mais la représentation n’en reste pas moins, à mon goût, réussie.
- Histoire d’O (Just Jaeckin, 1975)Histoire d’O raconte l’histoire d’O, une femme qui se soumet volontairement aux désirs de son amant et aux rituels d’un cercle fermé de domination. Le film explore les pratiques de soumission extrême, les jeux de pouvoir et l’acceptation des limites, dans un univers codifié où le contrôle et l’obéissance sont au centre.
Ce qui frappe, c’est que la soumission d’O n’est jamais imposée : c’est elle qui choisit de se livrer, et cette décision consciente transforme chaque geste et chaque épreuve en un jeu subtil de pouvoir, de confiance et de sensualité.
À sa sortie, dans les années 1970, Histoire d’O se situe dans le contexte de la révolution sexuelle et de la libération des mœurs, alors que le BDSM restait largement tabou. Adapté du roman de Pauline Réage, le film montre un univers structuré et réfléchi, loin du voyeurisme ou du jugement moral. Il illustre comment la domination et la soumission peuvent s’appuyer sur le consentement et la complicité, même dans leurs formes les plus extrêmes.
Aujourd’hui, Histoire d’O reste une référence historique du cinéma BDSM, montrant la rigueur, l’intensité et la complexité des dynamiques de pouvoir, et posant les bases d’une représentation plus réaliste et psychologique de ces pratiques.
- La Cérémonie (Lina Mannheimer, 2014)La Cérémonie explore l’univers de Catherine Robbe‑Grillet, écrivaine et figure emblématique du BDSM en France. Connue pour son œuvre littéraire et ses pratiques de domination codifiées, elle a consacré sa vie à structurer des rituels de soumission et de contrôle dans un cadre strict, esthétique et psychologique.
Le documentaire montre ses cérémonies dans son château, où chaque geste, chaque rituel et chaque interaction sont réfléchis et construits, reposant sur la complicité et le consentement des participants. Mannheimer filme avec sobriété, sans voyeurisme ni sensationnalisme, révélant la dimension théâtrale, presque liturgique, de ses pratiques.
Pour le milieu BDSM, La Cérémonie est inspirant : il illustre comment la domination peut être rigoureuse, élégante et profondément personnelle, transformant le pouvoir et le désir en expérience psychologique et sensuelle. Catherine Robbe‑Grillet y apparaît comme une maîtresse exigeante mais bienveillante, capable de guider ses participants dans un jeu de pouvoir où respect, confiance et contrôle sont essentiels.
- George Michael : quand Too Funky et Freeek! embrassent l’esthétique BDSMLes clips “Too Funky” et “Freeek!” de George Michael occupent une place singulière dans la pop culture grâce à leur imagerie ouvertement kinky.
Dans “Too Funky”, l’univers de la haute couture devient un véritable théâtre de domination visuelle : cuirs, corsets, silhouettes affirmées et attitudes de pouvoir résonnent avec les codes du BDSM.
Avec “Freeek!”, George Michael pousse encore plus loin l’esthétique fétichiste, proposant un univers cyberpunk fait de latex, de dispositifs de contrainte et d’un jeu constant entre contrôle, anonymat et voyeurisme.Ces deux œuvres, désormais iconiques, montrent comment le BDSM peut s’exprimer sous une forme artistique, élégante et affirmée — un langage visuel qui continue d’influencer les imaginaires du pouvoir et du désir.






